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Littérature, philosophie, poésie.
6 avril 2014

Henri Laborit - Éloge de la fuite (extrait 2)

Kaleidoscope

"Aimer l’autre, cela devrait vouloir dire que l’on admet qu’il puisse penser, sentir, agir de façon non conforme à nos propres désirs, à notre propre gratification, accepter qu’il vive conformément au nôtre. Mais l’apprentissage culturel au cours des millénaires a tellement lié le sentiment amoureux à celui de possession, d’appropriation, de dépendance par rapport à l’image que nous nous faisons de l’autre, que celui qui se comporterait ainsi par rapport à l’autre serait en effet qualifié d’indifférent.

Ce que l’on appelle « amour » naît du réenforcement de l’action gratifiante autorisée par un autre être situé dans notre espace opérationnel et le mal d’amour résulte du fait que cet être peut refuser d’être notre objet gratifiant ou devenir celui d’un autre, se soustrayant ainsi plus ou moins complètement notre action. Ce refus ou ce partage blesse l’image idéale que l’on se fait de soi, blesse notre narcissisme et initie soit la dépression, soit l’agressivité, soit le dénigrement de l’être aimé.

On naît, on vit et l’on meurt seul au monde, enfermé dans sa structure biologique qui n’a qu’une seule raison d’être : celle de se conserver. Mais, chose étrange, la mémoire et l’apprentissage font pénétrer les autres dans cette structure, et, au niveau de l’organisation du moi, elle n’était plus qu’eux.

La source profonde de l’angoisse existentielle, occultée par la vie quotidienne et les relations interindividuelles dans une société de production, est cette solitude de notre structure biologique enfermant en elle-même l’ensemble, anonyme le plus souvent, des expériences que nous n’avons pas retenues des autres. Angoisse de ne pas comprendre ce que nous sommes et ce qu’ils sont, prisonniers enchaînés au même monde de l’incohérence et de la mort."

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