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Littérature, philosophie, poésie.
16 février 2014

Emil Cioran - Sur les cimes du désespoir (extrait)

Le lyrisme absolu -

Emil_Cioran

"Je voudrais exploser, couler, me décomposer, que ma destruction soit mon œuvre, ma création, mon inspiration ; m’accomplir dans l’anéantissement, m’élever, dans un élan démentiel, au-delà des confins, et que ma mort soit mon triomphe. Je voudrais me fondre dans le monde et que le monde se fonde en moi, que nous accouchions, dans notre délire, d’un rêve apocalyptique, étrange comme une vision de la fin et magnifique tel un grand crépuscule. Que naissent, du tissu de notre rêve, des splendeurs énigmatiques et des ombres conquérantes, qu’un incendie total engloutisse le monde et que ses flammes provoquent des voluptés crépusculaires, aussi compliquées que la mort et fascinante comme le néant. Il faut des tensions démentielles pour que le lyrisme atteigne son expression suprême. Le lyrisme absolu est celui des derniers instants. L’expression s’y confond avec la réalité, devient tout, devient une hypostase de l’être. Non plus objectivation partielle, mineure et non révélatrice, mais partie intégrante de vous-même. Désormais ne comptent pas seulement la sensibilité ou l’intelligence, mai aussi l’être, le corps tout entier, toute votre vie avec son rythme et ses pulsations. Le lyrisme total n’est rien d’autre que le destin porté au degré suprême de la connaissance de soi. Chacune de ses expressions est un morceau de vous-même. Aussi ne le retrouve-t-on que dans les moments essentiels, où les états exprimés se consument en même temps que l’expression elle-même, comme le sentiment de l’agonie et le phénomène complexe du mourir. L’acte et la réalité coïncident : le premier n’est plus une manifestation de la seconde, mais bien celle-ci même. Le lyrisme comme penchant vers l’auto-objectivation se situe au-delà de la poésie, du sentimentalisme… Il se rapproche davantage d’une métaphysique du destin, dans la mesure où s’y retrouvent une actualité totale de la vie et le contenu le plus profond de l’être en quête de conclusion. En règle générale, le lyrisme absolu tend à tout résoudre dans le sens de la mort. Car tout ce qui est capital a trait à la mort."

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15 février 2014

Paul Valéry - L’Abeille

L'Abeille

Quelle, et si fine, et si mortelle,
Que soit ta pointe, blonde abeille,
Je n’ai, sur ma tendre corbeille,
Jeté qu’un songe de dentelle.

Pique du sein la gourde belle,
Sur qui l’Amour meurt ou sommeille,
Qu’un peu de moi-même vermeille,
Vienne à la chair ronde et rebelle !

J’ai grand besoin d’un prompt tourment :
Un mal vif et bien terminé
Vaut mieux qu’un supplice dormant !

Soit donc mon sens illuminé
Par cette infime alerte d’or
Sans qui l’Amour meurt ou s’endort !

14 février 2014

Julio Cortázar - Cronopes et Fameux (extrait)

Écrasement des gouttes -

Cortazar

"Je ne sais pas, regarde, c'est terrible comme il pleut. Il pleut tout le temps, dehors épais et gris, ici contre le balcon avec de grosses gouttes dures et figées qui s'écrasent comme des gifles l'une après l'autre, quel ennui. Voici une petite goutte qui naît en haut du cadre de la fenêtre, elle tremble contre le ciel qui la brise en mille reflets assourdis, elle gonfle et vacille, elle va tomber, elle ne tombe pas, pas encore. Elle s'accroche de toutes ses griffes, elle ne veut pas tomber et on la voit qui s'agrippe avec ses dents tandis que son ventre enfle, c'est à présent une énorme goutte qui pend majestueuse et soudain youp! la voilà partie plaf ! plus rien, écrasée, une tache humide sur le marbre.

Mais il y en a qui se suicident et qui se rendent tout de suite, elles naissent du cadre et se jettent aussitôt dans le vide, il me semble voir la vibration du saut, leurs petits pieds qui se décollent et le cri qui les grise dans ce néant de la chute et de l'écrasement. Tristes gouttes, rondes gouttes innocentes.
Adieu, gouttes. Adieu."

 

Editions Gallimard
rééd. Folio, 2010

 

14 février 2014

Paul Eluard - La courbe de tes yeux

Regard

La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et je ne sais plus tout ce que j’ai vécu
C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources de couleur,

Parfums éclos d’une couvée d’aurores,
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l’innocence,
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

12 février 2014

Emile Zola - Mes Haines, Causeries littéraires et artistiques (extrait 2)

Emile_Zola

"Moi, je pose en principe que l'oeuvre ne vit que par l'originalité. Il faut que je retrouve un homme dans chaque oeuvre, ou l'oeuvre me laisse froid. Je sacrifie carrément l'humanité à l'artiste. Ma définition d'une oeuvre d'art serait, si je la formulais : "Une oeuvre d'art est un coin de la création vu à travers un tempérament." Que m'importe le reste. Je suis artiste, et je vous donne ma chair et mon sang, mon coeur et ma pensée. Je me mets nu devant vous, je me livre bon ou mauvais. Si vous voulez être instruits, regardez-moi, applaudissez ou sifflez, que mon exemple soit un encouragement ou une leçon. Que me demandez-vous de plus ? Je ne puis vous donner autre chose, puisque je me donne entier, dans ma violence ou dans ma douceur, tel que Dieu m'a créé. Il serait risible que vous veniez me faire changer et me faire mentir, vous, l'apôtre de la vérité ! Vous n'avez donc pas compris que l'art est la libre expression d'un coeur et d'une intelligence, et qu'il est d'autant plus grand qu'il est plus personnel. S'il y a l'art des nations, l'expression des époques, il y a aussi l'expression des individualités, l'art des âmes. Un peuple a pu créer des architectures, mais combien je me sens plus remué devant un poème ou un tableau, oeuvres individuelles, où je me retrouve avec toutes mes joies et toutes mes tristesses. D'ailleurs, je ne nie pas l'influence du milieu et du moment sur l'artiste, mais je n'ai pas même à m'en inquiéter. J'accepte l'artiste tel qu'il me vient. 

Vous dites en vous adressant à Eugène Delacroix : "Je me soucie fort peu de vos impressions personnelles... Ce n'est pas par vos idées et votre propre idéal que vous devez agir sur mon esprit, en passant par mes yeux ; c'est à l'aide des idées et de l'idéal qui sont en moi : ce qui est justement le contraire de ce que vous vous vantez de faire. En sorte que tout votre talent se réduit... à produire en nous des impressions, des mouvements et des résolutions qui tournent, non à votre gloire ni à votre fortune, mais au profit de la félicité générale et du perfectionnement de l'espèce." Et dans votre conclusion, vous vous écriez : "Quant à nous, socialistes révolutionnaires, nous disons aux artistes comme aux littérateurs : 'Notre idéal, c'est le droit et la vérité. Si vous ne savez avec cela faire de l'art et du style, arrière ! Nous n'avons pas besoin de vous. Si vous êtes au service des corrompus, des luxueux, des fainéants, arrière ! Nous ne voulons pas de vos arts. Si l'aristocratie, le pontificat et la majesté royale vous sont indispensables, arrière toujours ! Nous proscrivons votre art ainsi que vos personnes". 

Et moi, je crois pouvoir vous répondre, au nom des artistes et des littérateurs, de ceux qui sentent en eux battre leur coeur et monter leurs pensées : "Notre idéal, à nous, ce sont nos amours et nos émotions, nos pleurs et nos sourires. Nous ne voulons pas plus de vous que vous ne voulez de nous. Votre communauté et votre égalité nous écoeurent. Nous faisons du style et de l'art avec notre chair et notre âme ; nous sommes amants de la vie, nous vous donnons chaque jour un peu de notre existence. Nous ne sommes au service de personne, et nous refusons d'entrer au vôtre. Nous ne relevons que de nous, nous n'obéissons qu'à notre nature ; nous sommes bons ou mauvais, vous laissant le droit de nous écouter ou de vous boucher les oreilles. Vous nous proscrivez, nous et nos oeuvres, dites-vous. Essayez, et vous sentirez en vous un si grand vide, que vous pleurerez de honte et de misère." "

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10 février 2014

Louise-Victorine Ackermann - Le nuage

Ciel d'une soirée d'étéI change, but I cannot die.
Shelley, the Cloud

Levez les yeux ! C’est moi qui passe sur vos têtes,
Diaphane et léger, libre dans le ciel pur ;
L’aile ouverte, attendant le souffle des tempêtes,
Je plonge et nage en plein azur.

Comme un mirage errant, je flotte et je voyage.
Coloré par l’aurore et le soir tour à tour,
Miroir aérien, je reflète au passage
Les sourires changeants du jour.

Le soleil me rencontre au bout de sa carrière
Couché sur l’horizon dont j’enflamme le bord ;
Dans mes flancs transparents le roi de la lumière
Lance en fuyant ses flèches d’or.

Quand la lune, écartant son cortège d’étoiles,
Jette un regard pensif sur le monde endormi,
Devant son front glacé je fais courir mes voiles,
Ou je les soulève à demi.

On croirait voir au loin une flotte qui sombre,
Quand, d’un bond furieux fendant l’air ébranlé,
L’ouragan sur ma proue inaccessible et sombre
S’assied comme un pilote ailé.

Dans les champs de l’éther je livre des batailles ;
La ruine et la mort ne sont pour moi qu’un jeu.
Je me charge de grêle, et porte en mes entrailles
La foudre et ses hydres de feu.

Sur le sol altéré je m’épanche en ondées.
La terre rit ; je tiens sa vie entre mes mains.
C’est moi qui gonfle, au sein des terres fécondées,
L’épi qui nourrit les humains.

Où j’ai passé, soudain tout verdit, tout pullule ;
Le sillon que j’enivre enfante avec ardeur.
Je suis onde et je cours, je suis sève et circule,
Caché dans la source ou la fleur.

Un fleuve me recueille, il m’emporte, et je coule
Comme une veine au cœur des continents profonds.
Sur les longs pays plats ma nappe se déroule,
Ou s’engouffre à travers les monts.

Rien ne m’arrête plus ; dans mon élan rapide
J’obéis au courant, par le désir poussé,
Et je vole à mon but comme un grand trait liquide
Qu’un bras invisible a lancé.

Océan, ô mon père ! Ouvre ton sein, j’arrive !
Tes flots tumultueux m’ont déjà répondu ;
Ils accourent ; mon onde a reculé, craintive,
Devant leur accueil éperdu.

En ton lit mugissant ton amour nous rassemble.
Autour des noirs écueils ou sur le sable fin
Nous allons, confondus, recommencer ensemble
Nos fureurs et nos jeux sans fin.

Mais le soleil, baissant vers toi son œil splendide,
M’a découvert bientôt dans tes gouffres amers.
Son rayon tout puissant baise mon front limpide :
J’ai repris le chemin des airs !

Ainsi, jamais d’arrêt. L’immortelle matière
Un seul instant encor n’a pu se reposer.
La Nature ne fait, patiente ouvrière,
Que dissoudre et recomposer.

Tout se métamorphose entre ses mains actives ;
Partout le mouvement incessant et divers,
Dans le cercle éternel des formes fugitives,
Agitant l’immense univers.

Photo réalisée par Keywest : http://hobby29.canalblog.com/

8 février 2014

Marguerite Duras - L’Amant (extrait)

ecrire

"L’histoire de ma vie n’existe pas. Ça n’existe pas. Il n’y a jamais de centre. Pas de chemin, pas de ligne. Il y a de vastes endroits où l’on fait croire qu’il y avait quelqu’un, ce n’est pas vrai il n’y avait personne. L’histoire d’une toute petite partie de ma jeunesse je l’ai plus ou moins écrite déjà, enfin je veux dire, de quoi l’apercevoir, je parle de celle-ci justement, de celle de la traversée du fleuve. Ce que je fais ici est différent, et pareil. Avant, j’ai parlé des périodes claires, de celles qui étaient éclairées. Ici je parle des périodes cachées de cette même jeunesse, de certains enfouissements que j’aurais opérés sur certains faits, sur certains sentiments, sur certains événements. J’ai commencé à écrire dans un milieu qui me portait très fort à la pudeur. Écrire pour eux était encore moral. Écrire, maintenant, il semblerait que ce ne soit plus rien bien souvent. Quelquefois je sais cela : que du moment que ce n’est pas, toutes choses confondues, aller à la vanité et au vent, écrire ce n’est rien. Que du moment que ce n’est pas, chaque fois, toutes choses confondues en une seule par essence inqualifiable, écrire ce n’est rien que publicité. Mais le plus souvent je n’ai pas d’avis, je vois que tous les champs sont ouverts, qu’il n’y aurait plus de murs, que l’écrit ne saurait plus où se mettre pour se cacher, se faire, se lire, que son inconvenance fondamentale ne serait plus respectée, mais je n’y pense pas plus avant."

6 février 2014

Charles Baudelaire - Tristesse de la lune

Tristesse de la lune

Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse 
Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et légère caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,

Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l'azur comme des floraisons.

Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,

Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
Et la met dans son coeur loin des yeux du soleil.

5 février 2014

Miguel de Cervantès - Don Quichotte (extrait)

Miguel_de_Cervantes

"Là-dessus ils découvrirent trente ou quarante moulins à vent qu'il y a en cette plaine, et, dès que Don Quichotte les vit, il dit à son écuyer : « La fortune conduit nos affaires mieux que nous n'eussions su désirer. Car voilà, ami Sancho Pança, où se découvrent trente ou quelque peu plus de démesurés géants, avec lesquels je pense avoir combat et leur ôter la vie à tous, et de leurs dépouilles nous commencerons à nous enrichir : car c'est ici une bonne guerre, et c'est faire grand service à Dieu d'ôter une si mauvaise semence de dessus la face de la terre. - Quels géants ? dit Sancho.

- Ceux que tu vois là, répondit son maître, aux longs bras, et d'aucuns les ont quelquefois de deux lieues.
- Regardez, monsieur, répondit Sancho, que ceux qui paraissent là ne sont pas des géants, mais des moulins à vent et ce qui semble des bras sont les ailes, lesquelles, tournées par le vent, font mouvoir la pierre du moulin.
- Il paraît bien, répondit Don Quichotte, que tu n'es pas fort versé en ce qui est des aventures : ce sont des géants, et, si tu as peur, ôte-toi de là et te mets en oraison, tandis que je vais entrer avec eux en une furieuse et inégale bataille. » 
Et, disant cela, il donna des éperons à son cheval Rossinante, sans s'amuser aux cris que son écuyer Sancho faisait, l'avertissant que sans aucun doute c'étaient des moulins à vent, et non pas des géants, qu'il allait attaquer. Mais il était tellement aheurté à cela que c'étaient des géants qu'il n'entendait pas les cris de son écuyer Sancho, ni ne s'apercevait pas de ce que c'était, encore qu'il en fût bien près ; au contraire, il disait à haute voix : «Ne fuyez pas, couardes et viles créatures, car c'est un seul chevalier qui vous attaque. » Sur cela il se leva un peu de vent, et les grandes ailes de ces moulins commencèrent à se mouvoir, ce que voyant Don Quichotte, il dit : « Vous pourriez mouvoir plus de bras que ceux du géant Briarée : vous allez me le payer. » Et, disant cela, il se recommanda de tout son cœur à sa dame Dulcinée, lui demandant qu'elle le secourût en ce danger ; puis, bien couvert de sa rondache, et la lance en l'arrêt, il accourut, au grand galop de Rossinante, donner dans le premier moulin qui était devant lui, et lui porta un coup de lance en l'aile : le vent la fit tourner avec une telle violence qu'elle mit la lance en pièces, emmenant après soi le cheval et le chevalier, qui s'en furent rouler un bon espace parmi la plaine. 

Sancho Pança accourut à toute course de son âne pour le secourir, et, quand il fut à lui, il trouva qu'il ne se pouvait remuer : tel avait été le coup que lui et Rossinante avaient reçu. «Dieu me soit en aide ! dit Sancho ; ne vous ai-je pas bien dit que vous regardiez bien ce que vous faisiez, que ce n'étaient que des moulins à vent, et que personne ne le pouvait ignorer, sinon quelqu'un qui en eût de semblables en la tête ? »"

4 février 2014

Victor Hugo - Les contemplations (préface)

Victor_Hugo

Si un auteur pouvait avoir quelque droit d’influer sur la disposition d’esprit des lecteurs qui ouvrent son livre, l’auteur des Contemplations se bornerait à dire ceci : Ce livre doit être lu comme on lirait le livre d’un mort.

Vingt-cinq années sont dans ces deux volumes. Grande mortalis ævi spatium. L’auteur a laissé, pour ainsi dire, ce livre se faire en lui. La vie, en filtrant goutte à goutte à travers les événements et les souffrances, l’a déposé dans son cœur. Ceux qui s’y pencheront retrouveront leur propre image dans cette eau profonde et triste, qui s’est lentement amassée là, au fond d’une âme.

Qu’est-ce que les Contemplations ? C’est ce qu’on pourrait appeler, si le mot n’avait quelque prétention, les Mémoires d’une âme.

Ce sont, en effet, toutes les impressions, tous les souvenirs, toutes les réalités, tous les fantômes vagues, riants ou funèbres, que peut contenir une conscience, revenus et rappelés, rayon à rayon, soupir à soupir, et mêlés dans la même nuée sombre. C’est l’existence humaine sortant de l’énigme du berceau et aboutissant à l’énigme du cercueil ; c’est un esprit qui marche de lueur en lueur en laissant derrière lui la jeunesse, l’amour, l’illusion, le combat, le désespoir, et qui s’arrête éperdu « au bord de l’infini ». Cela commence par un sourire, continue par un sanglot, et finit par un bruit du clairon de l’abîme.

Une destinée est écrite là jour à jour.

Est-ce donc la vie d’un homme ? Oui, et la vie des autres hommes aussi. Nul de nous n’a l’honneur d’avoir une vie qui soit à lui. Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que je vis ; la destinée est une. Prenez donc ce miroir, et regardez-vous-y. On se plaint quelquefois des écrivains qui disent moi. Parlez-nous de nous, leur crie-t-on. Hélas ! quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! insensé, qui crois que je ne suis pas toi !

Ce livre contient, nous le répétons, autant l’individualité du lecteur que celle de l’auteur. Homo sum. Traverser le tumulte, la rumeur, le rêve, la lutte, le plaisir, le travail, la douleur, le silence ; se reposer dans le sacrifice, et, là, contempler Dieu ; commencer à Foule et finir à Solitude, n’est-ce pas, les proportions individuelles réservées, l’histoire de tous ?

On ne s’étonnera donc pas de voir, nuance à nuance, ces deux volumes s’assombrir pour arriver, cependant, à l’azur d’une vie meilleure. La joie, cette fleur rapide de la jeunesse, s’effeuille page à page dans le tome premier, qui est l’espérance, et disparaît dans le tome second, qui est le deuil. Quel deuil ? Le vrai, l’unique : la mort ; la perte des êtres chers.

Nous venons de le dire, c’est une âme qui se raconte dans ces deux volumes : AutrefoisAujourd’hui. Un abîme les sépare, le tombeau.

V. H.
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