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Littérature, philosophie, poésie.

1 février 2014

Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra (extrait 3)

 

Nietzsche

Extrait - Le plus laid des hommes -

"Ainsi parlait Zarathoustra et il continua son chemin, plus pensif qu’auparavant et plus lentement, car il se demandait beaucoup de choses et ne trouvait pas aisément de réponses.

« Comme l’homme est misérable ! pensait-il en son cœur, comme il est laid, gonflé de fiel et plein de honte cachée !

On me dit que l’homme s’aime soi-même : Hélas, combien doit être grand cet amour de soi ! Combien de mépris n’a-t-il pas à vaincre !

Celui-là aussi s’aimait en se méprisant, — il est pour moi un grand amoureux et un grand mépriseur.

Je n’ai jamais rencontré personne qui se méprisât plus profondément : cela aussi est de la hauteur. Hélas ! celui-là était-il peut-être l’homme supérieur, dont j’ai entendu le cri de détresse ?

J’aime les hommes du grand mépris. L’homme cependant est quelque chose qui doit être surmonté. » "

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1 février 2014

Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra (extrait 2)

 

Nietzsche

Extrait - De l’esprit de lourdeur - 

"En vérité, mois aussi, j’ai appris à attendre, à attendre longtemps, mais à m’attendre, moi. Et j’ai surtout appris à me tenir debout, à marcher, à courir, à sauter, à grimper et à danser.

Car ceci est ma doctrine : qui veut apprendre à voler un jour doit d’abord apprendre à se tenir debout, à marcher, à courir, à sauter, à grimper et à danser : on n’apprend pas à voler du premier coup !

Avec des échelles de corde j’ai appris à escalader plus d’une fenêtre, avec des jambes agiles j’ai grimpé sur de hauts mâts : être assis sur de hauts mâts de la connaissance, quelle félicité ! —

— flamber sur de hauts mâts comme de petites flammes : une petite lumière seulement, mais pourtant une grande consolation pour les vaisseaux échoués et les naufragés ! —

Je suis arrivé à ma vérité par bien des chemins et de bien des manières : je ne suis pas monté par une seule échelle à la hauteur d’où mon œil regarde dans le lointain.

Et c’est toujours à contre-cœur que j’ai demandé mon chemin, — cela me fut toujours contraire ! J’ai toujours préféré interroger et essayer les chemins eux-mêmes.

Essayer et interroger, ce fut là toute ma façon de marcher : — et, en vérité, il faut aussi apprendre à répondre à de pareilles questions ! Car ceci est — de mon goût :

— ce n’est ni un bon, ni un mauvais goût, mais c’est mon goût, dont je n’ai ni à être honteux ni à me cacher.

« Cela — est maintenant mon chemin, — où est le vôtre ? » Voilà ce que je répondais à ceux qui me demandaient « le chemin ». Car le chemin — le chemin n’existe pas.

Ainsi parlait Zarathoustra."

1 février 2014

Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra (extrait 1)

 

Nietzsche

Lire et écrire - 

"De tout ce qui est écrit, je n’aime que ce que l’on écrit avec son propre sang. Écris avec du sang et tu apprendras que le sang est esprit.

Il n’est pas facile de comprendre du sang étranger : je haïs tous les paresseux qui lisent.

Celui qui connaît le lecteur ne fait plus rien pour le lecteur. Encore un siècle de lecteurs – et l’esprit même sentira mauvais.

Que chacun ait le droit d’apprendre à lire, cela gâte à la longue, non seulement l’écriture, mais encore la pensée.

Jadis l’esprit était Dieu, puis il devint homme, maintenant il s’est fait populace.

Celui qui écrit en maximes avec du sang ne veut pas être lu, mais appris par cœur.

Sur les montagnes le plus court chemin va d’un sommet à l’autre : mais pour suivre ce chemin il faut que tu aies de longues jambes. Les maximes doivent être des sommets, et ceux à qui l’on parle des hommes grands et robustes.

L’air léger et pur, le danger proche et l’esprit plein d’une joyeuse méchanceté : tout cela s’accorde bien.

Je veux avoir autour de moi des lutins, car je suis courageux. Le courage qui chasse les fantômes se crée ses propres lutins, – le courage veut rire.

Je ne suis plus en communion d’âme avec vous. Cette nuée que je vois au-dessous de moi, cette noirceur et cette lourdeur dont je ris – c’est votre nuée d’orage. Vous regardez en haut quand vous aspirez à l’élévation. Et moi je regarde en bas puisque je suis élevé.

Qui de vous peut en même temps rire et être élevé ?

Celui qui plane sur les plus hautes montagnes se rit de toutes les tragédies de la scène et de la vie.

Courageux, insoucieux, moqueur, violent – ainsi nous veut la sagesse : elle est femme et ne peut aimer qu’un guerrier.

Vous me dites : « La vie est dure à porter. » Mais pourquoi auriez-vous le matin votre fierté et le soir votre soumission ?

La vie est dure à porter : mais n’ayez donc pas l’air si tendre ! Nous sommes tous des ânes et des ânesses chargés de fardeaux.

Qu’avons-nous de commun avec le bouton de rose qui tremble puisqu’une goutte de rosée l’oppresse.

Il est vrai que nous aimons la vie, mais ce n’est pas parce que nous sommes habitués à la vie, mais à l’amour.

Il y a toujours un peu de folie dans l’amour. Mais il y a toujours un peu de raison dans la folie.

Et pour moi aussi, pour moi qui suis porté vers la vie, les papillons et les bulles de savon, et tout ce qui leur ressemble parmi les hommes, me semble le mieux connaître le bonheur.

C’est lorsqu’il voit voltiger ces petites âmes légères et folles, charmantes et mouvantes – que Zarathoustra est tenté de pleurer et de chanter.

Je ne pourrais croire qu’à un Dieu qui saurait danser.

Et lorsque je vis mon démon, je le trouvai sérieux, grave, profond et solennel : c’était l’esprit de lourdeur, – c’est par lui que tombent toutes choses.

Ce n’est pas par la colère, mais par le rire que l’on tue. En avant, tuons l’esprit de lourdeur !

J’ai appris à marcher : depuis lors, je me laisse courir. J’ai appris à voler, depuis lors je ne veux pas être poussé pour changer de place.

Maintenant je suis léger, maintenant je vole, maintenant je me vois au-dessous de moi, maintenant un dieu danse en moi.

Ainsi parlait Zarathoustra."

1 février 2014

Victor Hugo - Les Misérables (extrait)

Victor_Hugo

"Faire le poème de la conscience humaine, ne fût-ce qu’à propos d’un seul homme, ne fût-ce qu’à propos du plus infime des hommes, ce serait fondre toutes les épopées dans une épopée supérieure et définitive. La conscience, c’est le chaos des chimères, des convoitises et des tentatives, la fournaise des rêves, l’antre des idées dont on a honte ; c’est le pandémonium des sophismes, c’est le champ de bataille des passions. À de certaines heures, pénétrez à travers la face livide d’un être humain qui réfléchit, et regardez derrière, regardez dans cette âme, regardez dans cette obscurité. Il y a là, sous le silence extérieur, des combats de géants comme dans Homère, des mêlées de dragons et d’hydres et des nuées de fantômes comme dans Milton, des spirales visionnaires comme chez Dante. Chose sombre que cet infini que tout homme porte en soi et auquel il mesure avec désespoir les volontés de son cerveau et les actions de sa vie !"

 

 

1 février 2014

Antoine de Saint-Exupéry - Terre des hommes (extrait)

Arsen Vasily Tropinin

"Et je poursuivis mon voyage parmi ce peuple dont le sommeil était trouble comme un mauvais lieu. Il flottait un bruit vague fait de ronflements rauques, de plaintes obscures, du raclement des godillots de ceux qui, brisés d’un côté, essayaient l’autre. Et toujours en sourdine cet intarissable accompagnement de galets retournés par la mer.

Je m’assis en face d’un couple. Entre l’homme et la femme, l’enfant, tant bien que mal, avait fait son creux, et il dormait. Mais il se retourna dans le sommeil, et son visage m’apparut sous la veilleuse. Ah ! quel adorable visage ! Il était né de ce couple-là une sorte de fruit doré. Il était né de ces lourdes hardes cette réussite de charme et de grâce. Je me penchai sur ce front lisse, sur cette douce moue des lèvres, et je me dis : voici un visage de musicien, voici Mozart enfant, voici une belle promesse de vie. Les petits princes des légendes n’étaient point différents de lui : protégé, entouré, cultivé, que ne saurait-il devenir ! Quand il naît par mutation dans les jardins une rose nouvelle, voilà tous les jardiniers qui s’émeuvent. On isole la rose, on cultive la rose, on la favorise. Mais il n’est point de jardinier pour les hommes. Mozart enfant sera marqué comme les autres par la machine à emboutir. Mozart fera ses plus hautes joies de musique pourrie, dans la puanteur des cafés-concerts. Mozart est condamné.

Et je regagnai mon wagon. Je me disais : ces gens ne souffrent guère de leur sort. Et ce n’est point la charité ici qui me tourmente. Il ne s’agit point de s’attendrir sur une plaie éternellement rouverte. Ceux qui la portent ne la sentent pas. C’est quelque chose comme l’espèce humaine et non l’individu qui est blessé ici, qui est lésé. Je ne crois guère à la pitié. Ce qui me tourmente, c’est le point de vue du jardinier. Ce qui me tourmente, ce n’est point cette misère, dans laquelle, après tout, on s’installe aussi bien que dans la paresse. Des générations d’Orientaux vivent dans la crasse et s’y plaisent. Ce qui me tourmente, les soupes populaires ne le guérissent point. Ce qui me tourmente, ce ne sont ni ces creux, ni ces bosses, ni cette laideur. C’est un peu, dans chacun de ces hommes, Mozart assassiné.

 

Seul l’Esprit, s’il souffle sur la glaise, peut créer l’Homme."

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1 février 2014

Arthur Rimbaud - Lettre du voyant (extrait)

Le poète

"La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. Dès qu’il la sait, il doit la cultiver ; cela semble simple : en tout cerveau s’accomplit un développement naturel ; tant d’égoïstes se proclament auteurs ; il en est bien d’autres qui s’attribuent leur progrès intellectuel ! — Mais il s’agit de faire l’âme monstrueuse : à l’instar des comprachicos, quoi ! Imaginez un homme s’implantant et se cultivant des verrues sur le visage.

Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.

Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, — et le suprême Savant — Car il arrive à l’inconnu ! Puisqu’il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu’aucun ! Il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu’il crève dans son bondissement par les choses inouïes et innombrables : viendront d’autres horribles travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l’autre s’est affaissé !"

1 février 2014

Anatole France - Le jardin d'Epicure (extrait 1)

Anatole_France_par_Stenlein

"Je viens de lire un livre dans lequel un poète philosophe nous montre des hommes exempts de joie, de douleur et de curiosité. Au sortir de cette nouvelle terre d’Utopie quand, de retour sur la terre, on voit autour de soi des hommes lutter, aimer, souffrir, comme on se prend à les aimer et comme on est content de souffrir avec eux ! Comme on sent bien que là seulement est la véritable joie ! Elle est dans la souffrance comme le baume est dans la blessure de l’arbre généreux. Ils ont tué la passion, et du même coup ils ont tout tué, joie et douleur, souffrance et volupté, bien, mal, beauté, tout enfin et surtout la vertu. Ils sont sages et pourtant ils ne valent plus rien, car on ne vaut que par l’effort. Qu’importe que leur vie soit longue, s’ils ne l’emplissent pas, s’ils ne la vivent pas ?

Ce livre fait beaucoup pour me rendre chère par réflexion cette condition d’homme qui cependant est dure, pour me réconcilier avec cette douloureuse vie, pour me ramener enfin à l’estime de mes semblables et à la grande sympathie humaine. Ce livre a cela d’excellent qu’il fait aimer la réalité et met en garde contre l’esprit de chimère et d’illusion. En nous montrant des êtres exempts de maux, il nous fait comprendre que ces tristes bienheureux ne nous égalent pas et que ce serait une grande folie que de quitter (à supposer que cela fût possible) notre condition pour la leur.

Oh ! le misérable bonheur que celui-là ! N’ayant plus de passions, ils n’ont pas d’art. Et comment auraient-ils des poètes ? Ils ne sauraient goûter ni la muse épique qui s’inspire des fureurs de la haine et de l’amour, ni la muse comique qui rit en cadence des vices et des ridicules des hommes. Ils ne peuvent plus imaginer les Didon et les Phèdre, les malheureux ! ils ne voient plus ces ombres divines qui passent en frissonnant sous les myrtes immortels.

Ils sont aveugles et sourds aux miracles de cette poésie qui divinise la terre des hommes. Ils n’ont pas Virgile, et on les dit heureux, parce qu’ils ont des ascenseurs. Pourtant un seul beau vers a fait plus de bien au monde que tous les chefs-d’œuvre de la métallurgie.

Inexorable progrès ! ce peuple d’ ingénieurs n’a plus ni passions, ni poésie, ni amour. Hélas ! comment sauraient-ils aimer, puisqu’ils sont heureux ? L’amour ne fleurit que dans la douleur. Qu’est-ce que les aveux des amants, sinon des cris de détresse ? « Qu’un Dieu serait misérable à ma place ! s’écrie, dans un élan d’amour, le héros d’un poète anglais. Un dieu, ma bien-aimée, ne pourrait pas souffrir, ne pourrait pas mourir pour toi ! »

Pardonnons à la douleur et sachons bien qu’il est impossible d’imaginer un bonheur plus grand que celui que nous possédons en cette vie humaine, si douce et si amère, si mauvaise et si bonne, à la fois idéale et réelle, et qui contient toutes choses et concilie tous les contrastes. Là est notre jardin, qu’il faut bêcher avec zèle."

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